L’article sur les gaspillages de graphistes a mis en lumière le problème du feedback tardif quand les créatifs s’appliquent à fournir un premier livrable impressionnant.
La méthode Lean et son dérivé Lean Start’up nous guide vers plus d’agilité : réduisez la taille des lots !
Mise en plis
L’ouvrage Lean Start’Up reprend une anecdote de Lean Thinking où James Womack et Daniel Jones racontent un événement familial impliquant la mise sous plis de dizaines de courriers.
Les enfants de l’auteur, méthodiques, imaginèrent un process par lots :
- Plier tous les courriers,
- Remplir toutes les enveloppes,
- Fermer toutes les enveloppes,
- etc.
L’auteur quant à lui, voulait enchaîner toutes les taches pour chaque enveloppe, c’est à dire traiter des lots de 1 pièce, souvent appelé One Piece Flow, Single Piece Flow ou encore small batches methodology.
Incapables de s’accorder, ils ont laissé trancher l’expérience : la méthode pièce par pièce du père (One Piece Flow) a gagné !
J’ai pu raconter cette histoire à des responsables industriels expérimentés ; ils ont dû le voir pour le croire. Le résultat a même enflammé les forums professionnels pendants des semaines ! Les articles de blogs recevaient des centaines de commentaires, les consultants blogueurs répétaient l’expérience et la postaient sur Youtube.
Pourquoi cette incrédulité ?
Notre intuition ne tient aucun compte du temps supplémentaire demandé pour trier, empiler et déplacer des piles importantes d’enveloppes à moitié terminées quand on travaille par lots.
Nous avons l’impression d’être plus efficace quand nous répétons la même tâche de nombreuses fois parce que nous comptons sur la répétition pour améliorer le geste. Mais il faut prendre en compte que dans ce genre de tâches orientées process, la performance individuelle est loin d’être le seul facteur de performance globale du système.
Échouer tôt pour un retour rapide
Imaginons que le process soit différent et que les temps supplémentaires soient éliminés.
Imaginons même que la productivité de chaque geste augmente un peu grâce au traitement par lot.
L’approche par lot est elle supérieure dans ce cas ?
Imaginons que les courriers livrés soient trop grands pour les enveloppes.
En SPF je le saurais au bout de 18 secondes et je pourrais prendre une décision. En traitement par lot je le saurais après 1 minute ou plus et une consommation de ressources significatives.
Si le client paye pour chaque enveloppe, en SPF je génère du cashflow dès 18 secondes. En production par lot j’attends 3:47 min. 12 fois plus longtemps pour recevoir les premiers centimes !
Un commentateur rapporte avoir affranchi des centaines d’enveloppes du mauvais côté en utilisant la méthode des lots lorsqu’il aidait l’entreprise de son père.
Le travail par petit lot réduit le temps, l’argent et l’effort gaspillés en cas d’erreur.
L’incertitude levée, les marges d’erreur et les contrats protecteurs deviennent superflus ; cela réduit les coûts et améliore la profitabilité de chacun.
Pour un graphiste, c’est par exemple un axe qu’il a passé des heures à peaufiner mais qui devra être jeté ; construit sur un quiproquo ou une interprétation de brief décalée par rapport à ce que le client a en tête.
Pour un social marketer, c’est un tweet peaufiné et validé avec tous les exécutifs pendant 45 jours pour obtenir 0 retweet et 2 favoris.
La livraison précoce clarifie les postulats implicites des deux parties ; client et fournisseur discutent autour de réalisations concrètes.
Parfois il faut tout reconstruire une deuxième fois car la livraison précoce a montré que la direction était mauvaise. En général le coup est réduit car le deuxième essais est infiniment plus efficace grâce aux connaissances accumulés lors du premier prototype. A contrario, recommencer après avoir peaufiné un livrable peut tourner à la tragédie…
Quick win
L’agilité des petits lots facilite l’action !
Lao Tseu a dit “il faut trouver la voie”.
Plus proche de nos préoccupations, Lao Tseu a dit “Un voyage de mille lieues commence toujours par un premier pas”.
Peur de l’inconnu, du jugement, de la perte de contrôle… Il est difficile de faire ce premier pas dans un projet important. Nous inventons souvent des excuses pour éviter de nous lancer.
En découpant les projets en petits lots, les projets et surtout leur part d’imprévu et de risque sont moins impressionnants ce qui évite la paralysie de la sur-analyse et autres blocages de l’action. Cette stratégie rejoint la notion de “quick win”.
Efficacité
Quand on fait quelque chose régulièrement, on s’améliore ! © La Palice
Lorsqu’une équipe accélère la fréquence de livraison des travaux graphiques ou marketing, elle génère des idées divergentes et analyse ces travaux très régulièrement. Cela peu sembler fastidieux quand on a l’habitude d’un process “tunnel” mais l’équipe devient ainsi beaucoup plus productive et efficace sur ces tâches qui sont la fondation d’un graphisme professionnel et efficace.
Petit comment ?
La position d’Eric Ries, fondée sur son expérience du développement logiciel mais aussi de la gestion d’une start’up, me semble tout à fait viable dans le cadre du graphisme :
“D’expérience, quelques heures de code suffisent à produire un lot viable qu’il vaut la peine de valider et déployer. Des résultats comparables s’observent en gestion du produit, design, test et même opérationnel.”
En production physique (usine) les “lean gurus” recommandent généralement de viser le One Piece Flow, soit des lots d’une seule pièce.
Cela peut nous guider en marketing et nous interroger sur les pratiques de création et diffusion lot notamment dans la création de brand content ou le social media management. Par exemple, doit on mettre en cause la programmation par lot avec des outils tels que Hootsuite ? Envoyez vos commentaire via le formulaire en pied de page.
Le commercial n’aime pas
Les agences graphiques comme les consultants n’aiment pas les petits lots : il parait bien plus rentable de vendre 15 000€ en 3 heures que 5 000€ en 2 heures .
La transition est donc difficile et bien peu attirante. Quel intérêt pourrait avoir le prestataire graphique à vendre de plus petits lots ?
Tout simplement, ce petit lot de 5000€ n’est pas la fin de l’histoire !
Si la prestation est de qualité, le client sera fidélisé et certainement tout à fait rentable à moyen terme. Il sera particulièrement reconnaissant de n’avoir subi aucun gaspillage surtout s’il a l’expérience d’avoir acheté un lot surdimensionné pour son affaire.
Il faut aussi penser qu’il sera plus facile et rapide de signer un petit contrat pour le client, surtout en période de “crise”. On retrouve la notion de “Quick Win” évoquée plus tôt et un cashflow rapide cher à la méthode Lean.
Le travail par petit lot est aussi positif pour l’efficacité du marketing et des ventes des petites agences dont un défaut est souvent de fonctionner par “coup” au lieu de pratiquer marketing et ventes comme un process continu.
Un autre problème peut être la perception de la valeur par le client, entamée par les sommes plus petites.
Des clients irrespectueux peuvent essayer de déborder le périmètre du petit lot sans toucher au petit prix. Les petits lots demandent plus de rigueur et ces comportements sont vite dangereux. Ces clients devront être aiguillés vers des agences qui pratiquent les gros lots pour ne pas mettre en danger le graphiste agile et ses autres clients.
Le travail par petits lots a cependant l’avantage de réduire le temps passé avec un nouveau client ; il est ainsi plus facile de se séparer du client à problème dès l’issue du premier lot.
Enfin, une agence peut se permettre un positionnement plus cher à condition de respecter ces critères justifiant le “premium” :
- Responsabilité : l’agence gère le process de A à Z, quitte à imposer ses méthodes au client si cela se justifie professionnellement ;
- Tranquillité d’esprit : le client ne doit pas avoir à micromanager, à vérifier des feuilles de temps ou à compter les aller-retour ;
- Orienté résultat : peu importe le temps passé, peu importe les méthodes, peu importe les diplômes, peu importe les concurrents… seuls les objectifs comptent ;
- Ciblage : les clients ciblés par l’agence comprennent sa valeur ajoutée et veulent en profiter.
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