Le Content Marketing, smart or hype ?
Naguère confidentiel, le Content Marketing est maintenant un buzzword. Le retour de balancier est naturel : les critiques pleuvent sur ces stratégies de communication.
Nous traitons par ailleurs et en détail de ces critiques.
Pour aujourd’hui, voyons comment dépasser les limites du marketing de contenu en changeant notre perspective. Pour changer votre vision, considérez les stratégies de contenu comme un modèle économique freemium.
Rappel : le freemium
Le freemium est un modèle économique où le premier niveau de service (Free Tier) est gratuit, subventionné par le service payant (Premium).
Des exemples très connus sont Deezer (B2C) et MailChimp (B2B).
Traiter la communication comme un produit
La valeur de la publicité est une question sérieuse.
Dans notre page sur les services de brand content, je rappelle que la publicité n’apporte généralement aucune valeur au Client et elle subit de lourdes critiques en ce sens. Souvent elle l’ennuie carrément, elle dégrade son expérience. C’est un gaspillage minable au sens du lean thinking.
Comment une entreprise peut-elle communiquer en offrant de la valeur ? Seuls le tryvertising, le Content Marketing et ses variantes permettent cela. Ces marketing sont dits “inbound”, le client vient vers la marque, en opposition au marketing d’interruption qui impose son message à la cible.
Ma proposition ? Considérer les contenus comme la version gratuite de notre produit. Ainsi, notre couple produit (payant) et contenu (gratuit) peut être pensé comme un modèle freemium !
Les lecteurs de ce texte m’ont apporté des commentaires enthousiastes sur cette idée que je vais maintenant développer.
Le freemium et la valeur
Le freemium est une façon de communiquer en offrant de la valeur gratuite (tryvertising).
Son inconvénient ? Cette version gratuite du produit risque de réduire sa valeur.
Pour éviter cet écueil, le freemium nécessite d’étudier la limite entre le “free” et le “premium”. C’est un effort important et n’est pas optimal pour tous les marchés.
Pourquoi ne pas changer la nature du “free tier” offert gratuitement ?
Cette approche préserve la valeur du produit qui reste 100% payant tout en offrant la valeur gratuite nécessaire à la communication : le contenu.
Comme une illustration, trois des SAAS avec le contenu le plus puissant n’ont pas besoin de free tier pour leur produit : BaseCamp, GrooveHQ, StudioPress.
Content Marketing et entonnoir de vente
Dans le cycle de vie du client, le contenu est très efficace en haut de l’entonnoir, lors des étapes de Conscience et Considération.
A contrario, un produit en utilisation gratuite s’adresse au bas de l’entonnoir de vente mais le produit gratuit risque d’attirer des Clients mal qualifiés. Quelques semaines d’essais gratuit ou une garantie de remboursement sont souvent plus efficaces pour cibler des Clients engagés.
Le problème de l’attention limitée
Le contenu est souvent remis en cause : “personne n’attend votre contenu”, “la demande est saturée”, “on doit payer pour être lu”, etc. Voir l’article complet sur les critiques du content marketing.
Cette remarque est très juste du point de vue de l’offre et de la demande car aujourd’hui l’attention est la valeur rare tandis que le contenu abonde.
Mais avant d’abandonner le content marketing, quelles sont les alternatives et quel est le ROI à moyen terme de ces alternatives ?
Quel mode de communication résout le problème de l’attention ? La publicité TV ? 🙂
Je cite Frédéric Cavazza en 2014 :
“Depuis le temps que l’on constate que les internautes sont de plus en plus hermétiques à la publicité, il serait peut-être temps de faire des arbitrages un peu plus généreux en faveur des contenus. J’ai la terrible impression de me répéter, mais si vous n’avez rien d’intéressant à dire, il ne sert à rien de crier, car vous ne serez pas nécessairement mieux entendu.”
Et en 2010 :
“Le meilleur moyen de cibler une tranche de la population est de définir une ligne éditoriale stricte et de produire du contenu de qualité. Ces derniers temps j’entends de plus en plus parler du rôle de “Content Strategist” pour des marques qui souhaitent construire une image solide en misant sur du contenu cohérent avec leur positionnement. C’est là que se trouve la solution, pas des solutions techniques fumeuses.
Sur internet le contenu est roi, il l’a toujours été et le sera toujours. (…) nous arrivons à la fin d’un cycle et que les producteurs de contenus vont reprendre leur place et surtout ré-équilibrer le rapport de force entre contenus et communautés. (…) Les internautes seront avant tout à la recherche de bons contenus.”
Notre client Rafi Papazian, fondateur des meilleures pâtisseries de Bali, “Monsieur Spoon”, a créé la chaîne YouTube “Inratable”, essentiellement francophone, pour enseigner la pâtisserie.
« Les internautes ont soif de connaissance, de compétence, de méthodes simples et de solutions pratiques. »
Il a 37 000 abonnés sans aucune promotion, aucun effort marketing. Seule la qualité du contenu la rend remarquable (et uniquement le contenu car même la forme est négligée, le son et le cadrage des premières vidéos étaient très “fait maison”…). Il faut relever que ce contenu n’est même pas “marketing” ou “branded” car l’entreprise n’est jamais citée (étant sur un marché différent). Dans le même esprit, remarquez le succès de Chef Simon (maintenant récupéré par Le Monde).
Avec un son inaudible, aucune promotion, sur un sujet confidentiel, “Systema Israel” a 2000 abonnés et 150K vues pour ses vidéos populaires.
“Baltic Aviation Academy” a recu 500 000 vues pour la procédure complète de démarrage d’un Airbus A320 ! Dans la même veine, la chaîne “PilotsEye” a 500 000 vues pour chaque vidéo et 79 000 abonnés. Re-mar-quable !
Un contenu remarquable, une vache pourpre, est la clef de l’attention dans un environnement saturé.
Mais comment créer un contenu remarquable ?
Le Contenu, comme le Produit, doit résoudre un Problème
Pour répondre à la question de l’utilité ou de la valeur, il faut concevoir le contenu comme le produit gratuit d’un modèle Freemium.
La comparaison est la plus évidente pour les entreprises de contenu puisque leur produit est le contenu. Leur contenu gratuit est bien un “free tier” de leur produit. Leur cas répond à la définition classique du freemium. Mais toute entreprise qui offre du contenu gratuit à côté de ses produits payant suit la même voie.
Si votre produit est utile, votre contenu est forcément utile. Si votre contenu n’intéresse personne, il est probable que votre produit non plus.
Et si votre contenu n’intéresse personne sur votre site, pourquoi serait-il plus intéressant affiché dans un magazine ou une station de métro ?
Je re-cite Frédéric Cavazza :
“si vous n’avez rien d’intéressant à dire, il ne sert à rien de crier, car vous ne serez pas nécessairement mieux entendu.”
Ce n’est pas parceque c’est gratuit que ça doit être invendable !
Méthode Job to Be Done
Pour être utile à tous les coups, le contenu doit être concentré sur le(s) “job to be done” du client.
“Jobs to be done”, le travail à accomplir, est une méthode de recherche des besoins du client.
Elle sert à concevoir des produits toujours plus utiles. Puisque le contenu est un Produit, même gratuit, et qu’il doit être Utile, appliquons lui ce framework !
Qu’est ce que le segment client essaye d’obtenir ? Et quel est son problème ou besoin ?
L’idée de “job to be done” a été popularisée par Clayton Christensen, l’auteur de Innovator’s Dillemma et Innovator’s Solution. Il le formule ainsi :
“Quels travaux fonctionnels ou sociaux sont réalisés ? C’est à dire, est ce que le client veut voir une certaine tache exécutée ? Ou résoudre un problème ? Ou est ce qu’il essaye de bien paraître, gagner du pouvoir, un statut ? Ou est-ce que ce sont des travaux émotionnels ? Est ce qu’il veut améliorer son apparence, se sentir bien, plus en sécurité ? Et quels besoins basiques aidez vous votre client à satisfaire ? Se divertir, rencontrer ? Est-ce que c’est quelque chose de “câblé en dur” dans la psychè humaine ?”
La plupart des entreprises continuent à segmenter leurs marchés par critères démographiques ou par caractéristiques produit. Elles différencient leur offres en ajoutant des fonctions. Mais le client a une autre vision du marché. Il a simplement un travail à réaliser et cherche à “embaucher” le meilleur produit ou service pour le faire.
Les marketers doivent adopter cette perspective.
Avec le framework “job to be done”, le contenu peut parler d’autre chose que du produit, ce qui est fondamental en content marketing, tout en restant parfaitement pertinent et efficace. Le contenu répond aux besoins du client, en réalisant ses travaux.
Par exemple le contenu de Red Bull répond au besoin de divertissement et d’adrénaline de ses clients ou de son audience.
Saturation ? Vraiment ?
Avec le framework “jobs to be done”, en considérant le contenu comme un produit, il est impossible de saturer la demande en contenu. Ou alors c’est que vos produits payants eux même n’ont plus de sens ni de marché ; dans ce cas la communication est le dernier de vos soucis !! Même logique que pour le crowdsourcing : si vous n’avez pas d’audience pour votre contenu gratuit (ou de succès avec votre crowdsourcing), vous n’aurez pas de clients pour votre produit.
L’information est au cœur de notre société et les produits évoluent vers toujours plus d’information, visible ou cachée.
Le contenu en ligne évolue lui aussi vers plus d’organisation et d’accessibilité de l’information :
- format plus variés et complexes (articles, vidéos, infographies, multimédia, interactif…),
- recherche de mots clefs poussée,
- articulation des contenus entre eux…
Concevoir un contenu ou un produit remarquable font appel aux même compétences marketing : connaissance client, ciblage/segmentation et positionnement.
Vice versa ?
Le freemium est il équivalent au brand content ?
Non !
Un audit ou devis gratuit est comparable au freemium ou a minima au tryvertising mais n’est pas du brand content. Même remarque pour le free tier d’un service web.
In fine, oublions les catégories et les buzz word et retenons ces deux notions, universelles en marketing :
- Attirez et vendez avec de la valeur gratuite,
- Engagez les “bons” clients : faites rapidement payer un juste prix pour vos services.
L’immense majorité des consultants et des PME auront un marketing très efficace s’ils respectent ces deux principes.
Émergence du concept
J’ai reçu des retours enthousiastes quant à cette idée d’assimiler le brand content au free tier du freemium ; jai donc cherché si d’autres marketers utilisent cette idée.
J’ai trouvé deux auteurs faisant un lien explicite, je leur laisse la conclusion.
“De nos jours, avec la croissance exponentielle d’internet, il devient possible de le faire avec un plus petit budget et un temps de démarrage plus court. Les gens parlent de Freemium ou d’offrir des choses gratuites pour démarrer une relation et ils parlent aussi de Contenu de Marque (Brand content) comme si ces concepts étaient nouveaux. Peut-être le web marketing a besoin d’un peu de “vieux sang”, parce-que ces techniques ne sont pas nouvelles ; mais la vitesse à laquelle elles arrivent l’est…
Je crois que beaucoup d’entreprises aujourd’hui font des erreurs car elles pensent aux plateformes et technologies bien avant de penser à une stratégie de contenu de marque. Il n’y a aucune pertinence à utiliser blogs, sites web et twitter s’il n’y a pas de stratégie.”
“Avec un modèle Freemium, il vous manque l’engagement du paiement initial. À mois que vous ne vendiez des m**** qui ne font pas ce que vous représentez (déconseillé), le simple acte de payer est puissant pour encourager l’engagement envers l’achat. (…)
Ne me comprenez pas de travers… quand il s’agit de marketing en ligne, j’aime le gratuit. C’est juste que je préfère vendre nos produits et donner quelque chose d’autre.
Ce que nous donnons chez Copyblogger, c’est le contenu. Et par Contenu, je veux dire des informations de valeur, formatrices et divertissantes qui attirent une audience et amorcent un process de vente qui ne donne pas aux gens l’impression de subir une vente.
Plus que ça, une audience vous aide à éviter de créer un produit que personne ne veut acheter. Avant que votre start’up ne teste un produit minimum viable (MVP) commencez avec une audience minimum viable qui vous révèle ce qui manque sur le marché et fera la queue quand vous lancerez votre produit.”
Comment Créer du Contenu adapté à l’Inboud ?
Visitez cette page pour télécharger une présentation détaillée…
Sources & Références
- Facebook va-t-il révolutionner le web ? (Cavazza, 2010)
- Le contenu doit rester la priorité de votre stratégie de présence sur les médias sociaux (Cavazza, 2014)
- Brand(ed) content vs content marketing
- Les critiques du marketing de contenu
- The ROI of blogging et pourquoi le freemium ne marche pas bien
- The freemium model and paywall strategies: how much should you give away?
- Freemium: The First Business Model of the 21st Century (Conférence de Chris Anderson)
- JobsToBeDone.org
- The 4 waves of content marketing: text, images, personalization, & now … apps?