Pour vous faire patienter en attendant l’article « 5 gaspillages de graphistes », voici le résumé d’un magnifique article de Business Insider sur les aventures du Camembert Président aux Amériques <troll> Si on peut appeler “camembert” ce truc au lait pasteurisé, mais le vrai fromage est illégal aux USA 🙂 </troll>
Business Insider se demande ce que font ces webmarketers “spécialistes de l’attention” de leurs journées sur Twitter, Facebook, Pinterest et Google+. Après tout, le principe des réseaux sociaux est leur ouverture à tous ; qu’est-ce qui différence les Community Manager des 800 millions d’amateurs qui se connectent chaque jour sur Facebook ? BI s’est donc rendu chez une agence New Yorkaise de digital design et publicité digitale.
Sans plus attendre : Au cœur d’une équipe de social marketing, 45 jours de planification pour LE tweet de l’année…
Source : We Got A Look Inside The 45-Day Planning Process That Goes Into Creating A Single Corporate Tweet
La première remarque : les social media managers passent des heures sur le net à éplucher les tendances pour savoir de quoi parler et trouver des commentaires de clients en mal de réponses.
Deuxièmement, les équipes passent des heures à analyser, compiler, etc. leurs statistiques d’engagement.
Sans surprise, ils passent (perdent) un temps non négligeable à actualiser leurs flux compulsivement comme tout utilisateur lambda…
Enfin, vient la planification, création et publication des posts sociaux.
Un process obsolète hérité de l’époque TF1
Dans le cas de l’exemple titre, une équipe de 13 spécialistes de la publicité et du webmarketing sur les media sociaux a été impliquée durant 45 jours pour planifier, créer et valider 1 post corporate à destination des médias sociaux.
Ce que ne dit pas BI, c’est qu’il décrit par le menu un process hérité de la publicité TV et magazine. Le système se comporte comme s’il devait produire LA publicité parfaite après avoir payé 4 millions de dollars les 30 secondes d’exposition au superbowl.
L’erreur, c’est qu’internet, a fortiori Tweeter, ne sont pas la TV !
Tout d’abord, le coût marginal de diffusion d’un tweet est presque nul.
On peut sans risque et on doit Tweeter 10 fois plutôt qu’une et mesurer ce qui fonctionne en situation réelle au lieu de ressasser LE tweet “parfait”pendant 45 jours pour obtenir, tenez-vous bien, 0 retweet et 2 favoris. Pour prendre une image, c’est comme si la Silicon Valley s’inspirait de la planification soviétique…
Le public attend du volume et du dynamisme sur ce type de média. Les recherche de Dan Zarella montrent qu’il est presque impossible de trop twitter mais très facile de ne pas twitter suffisemment.
Poster plus permet d’échouer tôt et d’échouer souvent ! Ici on échoue 1 seule fois et après 45 jours. Ça fait cher la leçon !
Valider les tweets pertinents instantanément, sauter sur un mème en temps et en heure, passer une pub sans la valider jusqu’à-ce qu’elle devienne obsolète… Sur un média où l’attention bouge très vite, les marques doivent agir avec agilité ou mourir.
Vous pensez qu’il est risqué de donner trop d’autonomie aux posteurs ? S’il est vrai que sur le net rien ne se perd, il reste facile d’éviter les grosses bourdes de type tweet raciste ou provocation incontrôlable.
La qualité est importante pour le contenu mais Twitter c’est de la conversation, pas du contenu. Dans le cas Président, le résultat n’a aucune qualité particulière qui justifie ce long process ; on peut même dire que ce tweet ne crée aucune valeur, sans parler de son coût démesuré.
Cerise sur le camembert : la ligne éditoriale du compte est centrée sur “comment mieux apprécier les produits” ; c’est de l’anti brand content. N’utilisez pas twitter comme un support publicitaire !
L’agence nous rassure : seul ⅓ de leurs posts sont planifiés de cette façon. Mais un de leur clients, une banque, a un process encore plus draconien que Président…
Act small
L’information manquante qui achève le tableau, c’est l’audience : elle est ridicule ! 100 followers Twitter et 220 Facebook fans !!
Et pourtant… L’entreprise choisi de payer une agence de social webmarketing dont je ne peux qu’imaginer les tarifs vu le marché new-yorkais et le temps passé sur un seul tweet… Après une campagne sur des blogs influents, l’entreprise prend 45 jours pour rédiger des “tweets parfaits” alors que l’audience de leurs comptes tous neufs est quasi nulle ! Le rythme de publication reste super lent : au 3 juin ils n’ont que 131 tweets au total.
Un commentateur de BI se désole :
“Ça me prend moins de temps de relever mon tableau de bord social et mes rapports de performances que de faire un tour à Starbucks. Même mes petits sites ont plus de followers que @Président Cheese. Même notre petite entreprise à le budget pour payer un logiciel d’automatisation et reporting décent. Cet article est un triste commentaire sur les “Agences” et ces entreprises qui gobent un peu trop facilement ce qu’on leur dit des média sociaux.”
L’activité social marketing requiert de l’agilité. Sur le plan méthodologique, le choix des petits lots avec pour objectif la livraison précoce est indispensable. Le cycle de Production / Mesure / Analyse est une forme d’essais-erreur qui s’apparente au lean start’up et au parallel prototyping.
L’entreprise n’obtiendra aucun ROI sur son webmarketing si elle paye une agence grosse ou moyenne et lui impose des validations sur un seul et même tweet pour allonger le process un mois et demi.
Une autre piste pour discipliner client et agence : ne pas payer au temps passé. Je ne sais pas comment travaille cette agence mais si elle est payé au tweet elle devrait bientôt faire faillite.
M&M’s
BI nous racontent comment les équipes doivent attendre la validation de leur travail par les cadres en interne avant même les nombreuses réunions avec les communiquants et stratèges de la marque. C’est le fameux risque d’explosion des coûts de transaction quand on externalise. Mais cela arrive aussi en interne !
Rappelez-vous la conférence de Jason Fried sur le poison du travail en entreprise : les M&M’s. Meetings, and Managers !
Ce ne sont probablement pas les créatifs qui ont demandé à passer 45 jours sur un seul tweet. Blâmez la bureaucratie des entreprises clientes qui manquent d’un leadership capable de prendre des décisions fortes et faire confiance à leurs agences de webmarketing pour juste avancer dans leur boulot.
Comment convaincre les managers de lâcher la bride ?
Ted Rubin fulmine :
“Arrêtez de vous obséder avec le tweet parfait et commencez à converser avec les gens. Le VRAI bat le PARFAIT… parce-que le Vrai crée de la confiance. C’est du vieux marketing ; le nouveau marketing c’est la communication. Changez “Convaincre & Convertir” par “Converser & Convertir” !”
Webmarketing et Story telling
Les conversations sur les média sociaux sont aussi une forme de storytelling. Le problème de ce tweet et plus largement de la ligne éditoriale de cette entreprise vient aussi du produit qui n’a pas vraiment le potentiel pour raconter du “Vrai”.
C’est un problème pour les marques industrielles à gamme courte. A contrario, La Ruche qui dit oui, par exemple, vend des produits moins uniformes et pourrait discuter des heures sur les producteurs agricoles et artisanaux, s’ils avaient les budgets de @PrésidentCheese.
À défaut d’histoire sur le produit, ils pourraient au moins intégrer des vrais gens, des opinions, des expériences… Par exemple un restaurateur, un sommelier ou quelqu’un qui organise des apéros pour ses amis. Au delà de “servez votre camembert à température ambiante”.
C’est pas sorcier
Il faut dire que les médias sociaux sont si neufs que la plupart des cursus universitaires n’ont même pas de cours de webmarketing sur leurs usages.
Et pourtant, il n’y a rien de sorcier ! La plupart d’entre nous savons à peu prêt ce qui est convenable ou pas, excitant ou pas, dans une conversation. C’est évident !
Alors pour Président et pour nous tous, quelques lignes du Cluetrain Manifesto :
- 1. Les marchés sont des conversations.
- 14. Les entreprises ne parlent pas la même langue que ces nouvelles conversations en réseau. Pour leurs audiences en ligne, les entreprises sonnent creuses, plates et littéralement inhumaines.
- 17. Les entreprises qui supposent que les marchés en ligne sont les mêmes marchés que ceux qui regardaient leur publicité à la télévision, se moquent d’elles-mêmes.
- 20. Les entreprises doivent réaliser que les marchés rient beaucoup. D’elles.
- 84. On connaît des gens dans votre société. Ils sont plutôt sympas en ligne. Vous en avez d’autres comme ça que vous cachez ? Est-ce qu’ils peuvent sortir pour venir jouer ?
- 85. Lorsque nous avons des questions, nous nous tournons les uns vers les autres pour obtenir des réponses. Si vous n’aviez pas une main si dure sur « vos gens » peut-être que nous nous tournerions vers eux.
Les exemples réussis
Il y en a !
EDIT : le making off Niel vs Montebourg
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