Cet article fait partie d’une série : “Tripadvisor, Booking, Amazon, pourquoi votre cerveau de patron français va vous transformer en prolétaire”
- Booking, le Loup dans la bergerie
- TripAdvisor n’est pas ce que vous croyez
- Amazon, “Tes clients sont mes Clients”
- Facebook, “Je m’occupe de ton audience”
- AdWords, Business sous Perfusion
- Et maintenant, on fait quoi ?
Détesté par ses “sur-traitants”, Booking a capté plus de 30 % de parts de marché des ventes de nuitées en France, (625 000 par jour) sans avoir acheté 1 seul hôtel. Booking encaisse jusqu’à 30% du CA des réservations !
Booking exécute une stratégie de plateforme maintenant classique. Booking attaque le marché “par le bas” en préemptant la relation avec le Client avant de remonter la chaîne de valeur, fort de sa relation avec la “multitude”.
Booking plume les hoteliers : Comment est-ce possible ?
Comme le titre de cette série le suggère, Booking et consorts prospèrent sur l’incurie des hôteliers indépendants et des petits groupes hôteliers français.
“la comm’ c’est du vent”
– Cerveau d’un petit patron français
Cette mentalité locale est exacerbée chez les hôteliers qui sont souvent des bâtisseurs dans l’âme. Pour eux, les consultants et communicants sont des sangsues et la pierre est la seule forme d’investissement digne de ce nom.
“Un homme qui arrête de faire de la publicité pour économiser de l’argent est comme un homme qui arrête sa montre pour gagner du temps.”
– Henry Ford ? (qui n’était pas hôtelier français)
Selon le cabinet d’études Coach Omnium :
- 84% des hôteliers indépendants ne s’investissent pas (ou très peu) dans une commercialisation active.
- Sur 83 enseignes de chaînes intégrées ou volontaires présentes en France, seulement une quinzaine bénéficient d’une forte notoriété, capable d’attirer significativement les voyageurs.
Pwestige de le Fwance
Dans l’hôtellerie de luxe, la communication existe mais elle est basée sur le prestige. Les budgets partent essentiellement en RP et achat d’espace publicitaire selon un rythme plus ou moins aléatoire, dans des mags de luxe ou à fort tirage, sans aucune notion de ROMI.
Il s’ensuit une drôle de culture où les restaurateurs et hôteliers font tous appel à la même “agence web” qui a été élue “Meilleur Ouvrier de France en Sites Web” (sic) en enchaînant des sites vitrine en flash puis des techniques SEO à la limite du spam. Les agences de communication sont sélectionnées “au réseau” ou en fonction de leurs succès dans les “concours de site web” (haha, article à venir).
Cette “gestion au prestige” a englouti ces 15 dernières années des ressources dans des sites inutiles alors que fonder son marketing sur des résultats implique de la mesure, de la stratégie et une certaine rigueur technique. Les résultats, évidemment décevants, ont appuyé l’idée que “ça fait joli mais ça ne sert à rien”, érodant l’investissement “digital”.
Pendant ce temps, booking.com et son site moche n’ont pas gagné de concours mais des parts de marché.
Booking investit des milliards de dollars en publicité adWords et optimisation de sa plate-forme technique.
Prolétarisation – Sur-traitance des Hoteliers
À force de se comporter en salariés bornés et feignants (en matière de web, mais pas que) les hôteliers se retrouvent quasi-prolétaires du grand méchant loup.
“Les hôteliers s’inquiètent désormais de voir le trafic sur leur propre site dévié vers Booking et le client réserver via la plate-forme de la multinationale”
– Les Echos
Il faut subir l’expérience de réservation (quand elle existe) sur ces sites de concours…
Les hôteliers qui se refusent à investir n’ont pas atteint le premier niveau du marketing :
« Je sais que la moitié des sommes que je dépense en publicité l’est en pure perte mais je ne sais pas de quelle moitié il s’agit. »
– John Wanamaker, 1838-1922
Depuis, la révolution numérique est passée par là pour généraliser la “Publicité Scientifique” (dès 1923) et développer les possibilités d’attribution. Pourtant la personne nommée “Responsable ou Coordinateur du Digital” par l’hôtel ne sait pas ce qu’est un paramètre UTM et intégrer le compte Google Analytics avec le booking engine de l’hôtel n’est pas du tout une priorité (véridique)…
Dans ces conditions, facile de croquer la pomme empoisonnée tendue par Booking :
Dans les années 2000, les appels du pied de la jeune société sont, il est vrai, pain béni pour l’industrie très conservatrice de l’hôtellerie. « Les hôteliers avaient complètement raté le virage du numérique, incapables d’intégrer les nouveaux outils dans la distribution et la promotion de leur établissement »
– Georges Panayotis, cabinet d’études MKG pour Les Échos
L’étendue du sinistre
Lisons le rapport de Coach Omnium sur les reproches les plus couramment cités sur les sites Internet (de concours) des hôtels :
- Opacité, manque d’informations diverses (environnement de l’hôtel, mode de paiement, disponibilités et surtout prix),
- Sites trompeurs sur le produit réel, atouts gonflés, dont « photos maquillées ou agrandissant les pièces par rapport à la réalité »,
- Navigation difficile, long cheminement, il faut consacrer beaucoup de temps à une recherche,
- Trop de publicité,
- Page d’accueil avec une vidéo avant d’entrer sur le site (flash),
- La démarche d’annulation n’est pas toujours explicite ni facile,
- Sites mal présentés, peu attractifs,
- Le prix annoncé n’est pas celui qu’on paie au final,
- Le client est souvent amené à devoir téléphoner,
- Photos trop petites, photos de mauvaise qualité pour se rendre compte de la réalité de l’hôtel et de ses chambres,
- Manque de lisibilité, trop d’informations, trop d’offres qui n’ont aucun lien avec l’hôtel.
“Les hôteliers sont coincés et écartelés entre leurs prix que 3/4 des voyageurs trouvent trop élevés (enquêtes Coach Omnium), leurs charges qui ne cessent d’augmenter sans que le chiffre d’affaires suive significativement, la para-concurrence qui ne demande qu’à récupérer leurs hôtes et, leur presque totale perte de maîtrise de leur commercialisation, prise en otage par des intermédiaires extrêmement bien outillés et plus efficaces qu’eux sur ce registre.”
Marketing et Gueule de Bois
15 ans plus tard ; la claque au réveil fait mal à la tête.
« Ce que nous voulons, c’est une moralisation de nos relations; ces acteurs doivent cesser de spolier nos marques », chouine Didier Chenet, président du Synhorcat, qui représente les hoteliers indépendants.
Nos marques ??? Quelles marques ? Si vous aviez une marque vous n’en seriez pas là !!
Réveillés en panique au milieu d’une tempête, les hôteliers veulent reprendre la barre. Certains rapatrient tous leurs budgets comm’ en interne en espérant reprendre le contrôle. Malheureusement il y a un manque de compétence et les fondamentaux sont largement ignorés des nouveaux responsables, parachutés “digital” sans en avoir la culture. On ne change pas les vieilles habitudes en 1 jour.
Les agences web continuent de facturer à prix d’or les machins inutiles que les hôteliers leurs réclament.
Les hôteliers ignorent massivement les autres canaux web.
J’en vois l’exemple avec notre Client, le guide “Unique Hotel Spa”, une sorte d’anti-booking qui affiche les coordonnées des Hôtels & Spa pour faciliter la réservation directement auprès de l’hôtel (56% de toutes les réservations en France) notamment par téléphone (25% des réservations selon Coach Omnium) et ne cible que la clientèle haut de gamme. Paniqués par le phénomène booking.com, certains partenaires tentent de réagir et s’éloignent de ce guide transparent tout en continuant à lâcher des fortunes à l’ennemi Booking.com (bien obligé) qui leur envoie pléthore de clients en quête de “bons plans” et… leur interdit de les re-contacter par email depuis 2015 !
Ces hôtels “recentrent leur budget” sur des nuits gratuites pour les journalistes, des publicités pour les USA et le Moyen Orient ou des… salons professionnels. Le comble reste qu’aucune mesure de données ne vient étayer ces décisions dans 90% des cas (les données n’existant même pas, voir plus haut).
À suivre…
Cette série d’articles sur les “requins du web 2.0” est à suivre : “Tripadvisor, Booking, Amazon, pourquoi votre cerveau de patron français va vous transformer en prolétaire” :
- Booking, le Loup dans la bergerie
- TripAdvisor n’est pas ce que vous croyez
- Amazon, “Tes clients sont mes Clients”
- Facebook, “Je m’occupe de ton audience”
- AdWords, Business sous Perfusion
- Et maintenant, on fait quoi ?
Si vous cherchez des solutions
Vous pouvez glaner de nombreuses pistes parmi nos publications et les livres conseillés sous chaque article. Un modèle de plan d’action sera publié à l’issue de la série ; abonnez-vous pour ne rien rater !
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PS
Juste pour vous donner des cauchemars :
Plus de Poppy Jikko
- Vos Actifs Numériques pour Survivre
- Pas de marque ? Pas de business
- Booking.yeah : analyse d’une campagne TV (schéma narratif)
Sources – Bibliographie
Hôteliers vs OTA
- Booking, le Gulliver du voyage – Les Echos
- Les Barbares Attaquent… Le Tourisme (Conférence en Vidéo)
- Amazon, Google, Facebook : l’art de la guerre à l’âge de la multitude
- Distribution hôtelière et OTA : enjeux et solutions
- Les chaînes d’hôtels misent sur la fidélisation et déclarent la guerre aux OTA
- La machine Booking face à la gronde des hôteliers
- Pourquoi les hôteliers en veulent tant à Booking et Expedia
- Pourquoi les hôteliers se retournent contre Booking, Expedia et Hotels.com
Comportements d’achats
- Étude : les clients d’hôtels et les OTAs
- Quand les médias changent les comportements d’achat des clients d’hôtels
- Comment Internet a changé les voyageurs
- L’impact de la commercialisation des hôtels sur la clientèle hôtelière – Coach Omnium
Plateformes
- L’âge de la multitude – 2e éd. – Entreprendre et gouverner après la révolution numérique
- Les plateformes de la « sur-traitance » vont dominer le monde économique
- Amazon, Google, Facebook : l’art de la guerre à l’âge de la multitude