Les entrepreneurs doutent parfois de l’impact du packaging et plus généralement du design sur les bénéfices des entreprises.
“Si vous pensez que le bon design coûte cher, vous devriez regarder le coût du mauvais design.” – Dr. Ralf Speth, CEO de Jaguar (qui en connaît un rayon sur le mauvais design)
En l’occurrence, le coût du mauvais design packaging a été mesuré à 35 millions de dollar pour Tropicana.
Dans l’ouvrage “Brand Premium”, Nigel Hollis raconte comment Tropicana a perdu 20% de son marché en volume et 11% en valeur après une mauvaise décision packaging.
Rebranding ≠ Branding
Cette étude de cas met en valeur les spécificités du rebranding par rapport au branding.
Lorsqu’on travaille sur une marque existante, déjà reconnue et différenciée, voir leader du marché comme Tropicana, il faut absolument capitaliser sur ces véritables Actifs.
Malheureusement, il peut arriver que les agences travaillent hors contexte. Les décisions prises par le jeu des politiques internes sont rationalisées a posteriori mais cela ne protège pas d’un échec public !
Si vous voulez voir à quoi ressemble une rationalisation a posteriori, parcourez les 27 pages de rationalisation du logo Pepsi, concoctées par la même agence que l’échec de Tropicana :
Dans notre approche Agile, nous faisons attention à travailler immédiatement avec un contexte. L’Expérience du Client est au cœur de la réflexion.
Ici le test de différentes palettes couleur sur plusieurs applications face aux principaux acteurs du marché.
Le Coût du Mauvais Design Packaging
Le designer et directeur d’agence Peter Arnell expliqua lors du lancement que le nouveau packaging Tropicana était issu d’un projet de 5 mois pour donner une “nouvelle énergie” à la marque et la faire évoluer vers “un état plus actuel ou moderne”.
Lors de sa conférence de presse chez Pepsi (vidéo en bas de page), Arnell expliqua comment le nouveau design tendait à “montrer le jus, pas seulement l’extérieur de l’orange”. Il présenta le nouveau bouchon “pressable” (qui n’est en fait pas pressable mais en forme d’orange), comparant le geste de vissage avec le fait de presser une orange fraîche ainsi qu’un parallèle moins évident avec la connection émotionnelle entre une mère et ses enfants.
Les clients de Tropicana étaient déjà habitués à la marque, ils la reconnaissaient via son couple orange+paille iconique sur le facing de l’emballage. Quand ce visuel a été remplacé par un verre de jus d’orange, l’emballage est devenu indistinct de ceux qui l’entouraient. Pire, ce redesign a verticalisé le logo, ce qui l’a rendu moins lisible (il a donc fallu une police moins personnelle), tout en augmentant la taille de l’allégation générique mais maintenant plus lisible “100 Pourcent Jus d’Orange”. Quand la marque doit créer une page web “comment trouver Tropicana au supermarché” (véridique), c’est qu’il y a un problème…
Nigel Hollis – Brand Premium
Revenons à la mise en contexte avec l’effet de gamme en linéaire :
En tant que professionnel j’ai (vraiment !) envie de CRIER quand je vois ça. Le design doit FACILITER la vie du Client et améliorer son expérience. Ici on lui offre un casse-tête. Tropicana pensait faire des heureux ? Déjà que faire les courses est pénible…
Les changements réalisés par Arnell pour Tropicana vont tous à l’encontre des fondamentaux du design packaging et branding :
- Remarquable et Différent (a fortiori pour un produit premium et dominant dans sa catégorie) ;
- Lisible (a fortiori pour un produit à 3€ pour lequel on a pas le temps de se poser de questions) ;
- Évocateur des émotions de la marque (a fortiori pour un produit premium et dominant dans sa catégorie).
Il faut croire que les grandes agences ne savent pas utiliser une checklist…
L’impact de ce redesign a eu un effet immédiat. Moins de 2 mois après sont introduction, avec un volume de ventes en baisse de 20% sur un marché neutre, PepsiCo annonça qu’il supprimerait le nouveau design pour revenir à l’ancien. Au long de l’année 2009, Tropicana a perdu des parts de marché au profit des marques de Coca Cola et MDD, avec des ventes en baisse de 11% en valeur.
En 2011 Peter Arnell a quitté l’agence qu’il avait fondé au milieu d’un procès et Arnell Group a fermé ses portes en 2013.
Nigel Hollis – Brand Premium
Alternatives pour Tropicana
Contexte et Checklist
Se moquer c’est bien, proposer c’est mieux… Voici quelques concepts de packaging pour Tropicana, respectant la checklist des fondamentaux du design et soumis dès sa conception à l’épreuve du contexte.
Nous avons généré des idées suivant une direction “minimaliste” comme semblait le souhaiter la marque.
Nous avons également essayé de “montrer le jus” comme le souhaitait Peter Arnell, mais de façon non photographique étant donné le résultat de leur essai.
Bien sûr ces idées ont été prototypées très rapidement et sont pleines de défauts. Elles permettent pourtant de souligner les faiblesses du rebranding Arnell et d’imaginer des alternatives crédibles.
Déconstruction
Dans le cadre d’un rebranding, si l’on souhaite exploiter le capital de reconnaissance de la marque, il est utile de déconstruire le packaging.
Sur l’exemple ci-dessous on peut rapidement identifier les éléments visuels qui déclenchent la reconnaissance de la marque en fonction de la distance et du concept. Cela permet de justifier les décisions de conserver ou d’abandonner certains éléments.
Roadmap
Si la marque doit évoluer en profondeur et abandonner des éléments clefs de reconnaissance, on peut éviter de brusquer les consommateurs en travaillant avec une roadmap et des modifications successives. Les premières versions exploiteront les informations obtenues par la déconstruction tout en se rapprochant progressivement de l’objectif final.
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